Degas et l'impressionnisme [French]

Plus tard, beaucoup plus tard, quand les historiens chercheront tracer le tableau de la vie sociale et intellectuelle en Europe, la veille de la grande catastrophe, - comme on a cherch reconstituer les u derniers jours de Pompei, - sans doute ils noteront que jamais la passion pour les objets d'art n'avait t si furieuse, jamais les ench res si folles qu'aux alentours de 1914. Et cela partout, Paris comme New- York et Berlin. L'ann e 1912 surtout et le d but de l'ann e 1913 furent marqu s par une ru e inou e de collectionneurs vers les ventes. Quelques heures avant l'orage, il y a ainsi des oiseaux et des insectes qui redoublent d'activit pour remplir de tr sors leurs greniers. Parmi les chiffres grandissants qui faisaient p mer d'aise le monde de la brocante et paraissaient un supr me triomphe du Beau ceux qui confondent l'Art et l'Argent, un chiffre flamboya aux derniers jours de 1912. Un tableautin moderne, repr sentant une sc ne de genre, des Danseuses la barre, venait d'atteindre 435 000 francs Il n'est pas sans exemple, mais il est rare de voir, du vivant de l'artiste, une pareille somme jet e sur son oeuvre. Elle atteint parfois un chiffre sup rieur, mais l'auteur, d'ordinaire, n'est plus l depuis longtemps pour s'en r jouir, et l'on ne peut que porter des lauriers sa tombe. Cette fois, l'artiste tait encore de ce monde, mais' si peu, si invisible, si indiff rent, si taciturne, si absent de tout en plein Paris, et m me en plein Montmartre, que les officieux qui coururent pier sur son visage les signes de quelque transport m galomane en furent pour leurs frais. On n'en put tirer nul t moignage de plaisir. Le bruit courut alors que c' tait un grand philosophe...